L’OCDH déplore donc le fait que les victimes de violation des droits humains ainsi que leurs parents continuent à éprouver de sérieuses difficultés pour accéder à la justice, pour faire respecter leurs droits et obtenir réparation. L’OCDH exige donc à ce que justice soit rendue pour mettre fin à l’impunité dont continuent à bénéficier les présumés auteurs.

Rappel de quelques cas :

M. Banombi Sylvain, de nationalité congolaise (Brazzaville) est mort en détention au commissariat de police de quartier Nkombo le 26 juin 2008 suite à des actes de torture, de traitement cruel, inhumain et dégradant laissant sur son corps des marques de blessure et de stigmates. Le procès verbal de la police établi le 3 juillet 2008 atteste bel et bien que M. Banombi Sylvain est mort en détention. Les certificats de cause et de genre de mort établis par le médecin légiste le 29 septembre 2008 affirment que Banombi Syvain est mort de suites des coups et blessures volontaires. La plainte déposée au tribunal de grande instance de Brazzaville en date du 07/05/10 est restée sans suite.

M. Mangala Sabin Lucrèce. A la suite de la marche pacifique organisée le 15 juillet 2009 par les militants de l’opposition politique protestant contre les résultats de l’élection présidentielle du 12 juillet 2009, M. Mangala Sabin Lucrèce aurait été fauché par une balle dans la tête tirée par les éléments de la police, et conduit d’urgence à l’hôpital du Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU) pour des soins appropriés. Au sortir de l’hôpital, Mangala Sabin a été arrêté par les agents de la police et placé en détention à plusieurs endroits dont les geôles souterraines de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) pendant plus d’un mois sans lumière. Pendant sa détention, la victime aurait subi des actes de torture, de traitement cruel, inhumain et dégradant sur instructions des autorités policières. Le but de ces tortures serait d’amener M. Mangala Sabin à soutenir la thèse du complot qui serait organisé contre le pouvoir de Brazzaville par Dzon Mathias et Ange Edouard Poungui, deux leaders de l’opposition politique au moment des faits. La plainte déposée par l’avocat de M. Mangala Sabin au tribunal de grande instance de Brazzaville en date du 5 octobre 2009 met en cause le Général Jean François Ndegue, Directeur général de la police, le colonel Obourabassi, directeur de cabinet du Général J.F Ndegue, le colonel Ngampika et le colonel Philippe Obara pour séquestration, tentative d’assassinat et tentative de corruption. M. Mangala Sabin affirme que son état de santé est loin de s’être amélioré. Jusqu’à ce jour, aucune enquête n’a été menée pour identifier et traduire en justice les présumés auteurs.

M. Mbourangon Ferdinand, de nationalité congolaise (Brazzaville) est mort à la maison d’arrêt centrale et de correction de Brazzaville le 9 septembre 2010 des suites d’actes de tortures, de traitement cruel, inhumain et dégradant laissant apparaitre sur le corps de l’infortuné des marques de blessure. Le rapport d’autopsie établi par le médecin légiste atteste que M. Mbourangon Ferdinand a succombé de suite de ces blessures et témoigne aussi l’usage des matraques et de crosses de fusil par les agents de l’ordre. L’OCDH, avec deux ONG partenaires (ADHUC et FGDH), avaient porté plainte devant le tribunal de grande instance de Brazzaville contre M. Ivon Otsou, ex-régisseur de la maison d’arrêt au moment des faits et le capitaine Moukouri, chef de l’équipe des gendarmes en service à la maison d’arrêt les 8 et 9 septembre 2010. A ce jour, rien n’a été fait pour identifier et sanctionner les auteurs.

Messieurs Kouloukoulou Jean Carate et Inzonzi Rock, de nationalité congolaise (Brazzaville) ont été soupçonnés de vouloir usurper le titre de propriété d’une parcelle de terrain appartenant au colonel Elenga Ngolo, évoluant à la garde républicaine (GR). Ce dernier a fait arrêter M. Kouloukoulou Jean Carate et Inzonzi Rock le 29 août 2011. Accompagné de ses éléments, le colonel leur aurait intimé l’ordre de torturer les infortunés. Après le passage à tabac, ils ont été enterrés, ne laissant que leur tête en surface après les avoir aspergé et fait avaler l’huile de freins. « Pour résoudre ce genre de problème il fallait appliquer la partie militaire. Je suis prêt à répondre devant n’importe quelle instance » aurait affirmé le colonel Elenga Ngolo selon un rapport de la police. Malgré la plainte déposée par les victimes et les multiples interpellations des autorités judicaires et administratives par l’OCDH, ce dossier n’a toujours pas avancé.

M. Habarugira Jean et Twagira Emmanuel, réfugiés de nationalité rwandaise, ont été arbitrairement arrêtés (sans titre légal) en plein marché de Poto-poto le 26 novembre 2011 par des policiers et conduits au commissariat de police de Poto-poto. Ces policiers, n’ayant pas eu la somme d’argent demandé, ont dépouillé les infortunés de leurs biens, déshabillés puis torturés dans la cellule de garde à vue jusqu’à ce que Twagira Emmanuel s’évanouisse. Les policiers leurs auraient reproché de séjourner illégalement en territoire congolais suite à l’annonce du processus de cessation du statut des réfugiés rwandais par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Gouvernement congolais. L’OCDH est partie civile dans cette affaire suite à une plainte déposée au 3ème cabinet d’instruction du tribunal de grande instance de Brazzaville. A ce jour, aucune action n’a été faite.

M. Kasuki Makoundi de nationalité congolaise (RDC) a été arrêté avec un de ces amis (Blaise Onema) le 26 mai 2012 par les éléments de la police en patrouille. Ils ont été bastonnés avec une violence extrême jusqu’à ce que M. Kasuki Makoundi tombe en syncope. Conduit au commissariat de Ouenze Mandzandza, ce dernier qui n’a pas pu bénéficier des soins médicaux pendants les deux jours passés au commissariat décéda des suites du traitement que lui aurait infligé les policiers. Son corps a été déposé à la morgue municipale du Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU) à l’insu des parents de la victime. Les certificats de cause et de genre de mort établis par le médecin légiste attestent que Kasuki Makoundi est décédé des suites des coups et blessures volontaires. L’OCDH a rencontré un certain nombre des responsables de la police pour faire avancer ce dossier, mais en vain.

Mlle Nkossi Bénédicte. Dans le cadre des opérations de déguerpissement du marché de Miambanzila dans la ville de Pointe Noire, Mlle Nkossi Bénédicte, vendeuse, a été passée à tabac et sa marchandise confisquée le 2 juin 2012 par les policiers du poste de police de fond Tié-tié. Son certificat médical initial établi le 4 juin 2012 révèle entre autres « …des traumatismes de plusieurs parties du corps avec des ecchymoses parsemées au niveau de l’épaule gauche, au dos, aux jambes, aux mollets, au coude, aux genoux avec égratignures et enflures… ». La plainte déposée au tribunal de grande instance de Pointe Noire en date du 10 juin 2012 est restée sans suite.

Monsieur Moungoto Antoine, la quarantaine révolue avait été appréhendé dans sa concession familiale au village Moukanda (District de Sibiti, département de la Lékoumou), aux environs de cinq (5) heures du matin par les policiers en patrouille le samedi 20 juillet 2013. Il a été embarqué dans le véhicule, et emmené à 5 kilomètres de Moukanda, précisément à Mongo, où il a été sévèrement battu et torturé jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le corps sans vie de Monsieur Moungoto Antoine a été ensuite abandonné au milieu de la route pour maquiller le crime en un accident de circulation ; bien que certains habitants fussent témoins de son enlèvement. Le Docteur chirurgien, alors Directeur départemental de la santé du département de la Lékoumou conclut son certificat de genre de décès établit le 29 juillet 2013 en ces termes : « en somme, il s’agit de la dépouille mortelle récente d’un sujet d’environs cinquante ans, ayant subit un traumatisme crânien grave avec otorragie, lequel pourrait être à l’origine de son décès ». Le procureur de la République saisi, a demandé aux parents de la victime d’introduire une plainte qui est restée lettre morte. Les présumés auteurs, bien que connus, continuent à exercer leur fonction en toute impunité.

M. Samson Mangoto, individu soupçonné de complicité de vol a été arrêté le 29 avril 2013 par les agents de police du commissariat de Diata. Le 1er mai 2013, il a subi des actes de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants. « Déshabillé, menotté aux mains et aux jambes, j’ai été placé en suspension entre deux supports à l’aide d’une grosse barre de fer passée entre mes jambes puis battues. La torture a durée 3 heures dans une cellule inachevée à l’intérieur même du commissariat » selon la victime. Se trouvant dans un état piteux, M. Samson Mangoto a été conduit d’urgence à l’hôpital de base de Makélékélé pour des soins intensifs. L’infortuné a perdu l’usage de ses doigts suite à ces actes de torture. Nonobstant les multiples interpellations des autorités judiciaires et administratives conscientes de la gravité de ces actes, rien n’a été fait pour identifier et traduire en justice les auteurs présumés de ces actes graves.

Ainsi, ces faits illustrent concrètement la banalisation des actes de torture et des traitements cruels inhumains et dégradants dans un contexte où l’impunité est la règle. Les victimes et parents de victimes attendent que justice soit faite. Au-delà du devoir de justice, le Gouvernement congolais doit assurer la protection aux individus victimes de violations de leurs droits.

Face à ce constat déplorable, l’OCDH recommande au Gouvernement congolais de :

– Instruire tous les dossiers pendants devant les juridictions afin d’établir les responsabilités et sanctionner les auteurs ;

– S’assurer que tous les moyens soient mis en place pour qu’aucun individu n’échappe à ses responsabilités pénales, quel que soit son grade ou ses fonctions ;

– Harmoniser le code pénal et le code de procédure pénale en vigueur au Congo avec les normes internationales relatives aux droits humains à l’instar de la convention des Nations unies contre la torture ;

– Prendre des mesures claires pour rétablir la confiance entre les citoyens et la justice congolaise.

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