En effet, pris à son lieu de travail, le journaliste Elie Smith n’a eu que le temps de prendre son passeport avant d’être conduit à l’Aéroport International de Maya-Maya. Il a affirmé à l’OCDH que tout ce qu’il a acquis comme biens est resté à Brazzaville. L’arrêté d’expulsion signé du ministre de l’Intérieur est muet quant au motif de son expulsion. Les autorités congolaises affirment qu’il, il lui est reproché des « actes et propos séditieux et subversifs » ainsi que « l’intelligence avec des puissances étrangères œuvrant contre les intérêts de la République du Congo », sans précision ni aucune preuve.

En réalité, l’élément déclencheur de son expulsion est le fait d’avoir alerté l’opinion nationale et internationale sur les agressions physiques des militants des partis de l’opposition politique par des groupes d’individus au sortir d’un meeting organisé en date du 7 septembre 2014 au Palais des Congrès contre le changement de la constitution et le boycott des élections locales. Pour le punir, dans la nuit du 9 au 10 septembre, Elie Smith a été victime d’une agression à son domicile par des hommes armés et sa sœur cadette fut violée.

Quelques jours après, la police a annoncé l’arrestation des assaillants qui devraient être mis à la disposition de la justice. L’OCDH s’interroge sur la contradiction entre l’arrestation des agresseurs de M. Smith et l’expulsion de la victime hors du territoire national. Reste à savoir si ces agresseurs et violeurs ne seraient pas simplement relaxés du fait de l’absence du plaignant, qui lui demandait avec insistance que soit également arrêtés et présentés au public les commanditaires de l’agression.

Monsieur Smith, journaliste de nationalité camerounaise travaille depuis plusieurs années pour le compte d’une société de presse dénommée MN-TV proche du pouvoir.

Connu pour son sens de professionnalisme et d’indépendance, il faisait depuis longtemps l’objet d’acharnement par le régime en place en raison de sa liberté de parole.

Son émission phare, la Grande interview est l’unique espace de débats offert à tous les acteurs de la société congolaise et où, tous les sujets sont abordés sans tabou.

La proximité de cette expulsion avec la tenue des élections locales et de l’agitation sur l’épineuse question d’un éventuel changement de la Constitution n’est pas anodine. Il est évident que le Gouvernement congolais s’est débarrassé d’un journaliste qui lui apparaissait de plus en plus gênant et incontrôlable.

Dans l’intervalle d’une semaine, le Gouvernement congolais vient d’expulser deux journalistes, Mme Sadio Kanté de Reuters et Elie Smith en réalité à cause de leur profession. L’OCDH redoute que ces expulsions puissent avoir pour objectif d’intimider les journalistes étrangers et congolais exerçant au Congo dans l’exercice libre et sans complaisance de leur métier.

Ainsi, l’OCDH recommande au Gouvernement de :

– Traduire en justice les agresseurs de M. Smith ainsi que les violeurs de sa sœur ;

– Abroger la mesure d’expulsion de M. Smith ainsi que celle de Mme Sadio Kante en leur accordant les moyens de défense sur ce qui leur est reproché ;

– Prendre des mesures pour garantir le respect des lois et des normes internationales protégeant la liberté de la presse ainsi que les libertés politiques.