Prélude à la célébration de la journée internationale des peuples autochtones (JIPA) à Ouesso dans le département de la sangha, l’Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH) et l’Association pour le Développement et la Protection des Populations Autochtones(ADPPA) qui militent pour le respect et la non discrimination des autochtones ont effectué du 7 au 11 août 2015 une mission de monitoring à Ouesso à l’occasion de la célébration de la journée internationale des peuples autochtones. Cet événement a été célébré sous le thème : « Programme pour l’après 2015, garantir santé et bien – être aux populations autochtones ».

1. Objectifs :

– Analyser la place qu’occupent les autochtones dans l’organisation et le déroulement de cet évènement ;

– Faire un état de lieu sur la situation des autochtones ;

– Suivre le déroulement de cet évènement et analyser son impact en termes des droits et développement du bien être des autochtones ;

– Relancer la nébuleuse question des textes d’application de la loi portant promotion et protection des droits des populations autochtones en République du Congo.

2. Les faits constatés

a) Conditions de voyage, de logement et de prise en charge

La première vague regroupant une centaine des autochtones (101) est arrivée le Samedi O8/08/2015 à 20 heures à Ouesso à bord du véhicule du conseil départemental de la Sangha. Entassés comme des marchandises, ils sont venus des localités de Sémbé, Souanké, Zoulabouth et Pokola.

L’OCDH et l’ADPPA ont enregistré un total de 196 autochtones venus des différentes localités environnantes du département de la Sangha. Ils ont été logés durant tout leur séjour dans un bâtiment inachevé de la direction départementale du plan dans des conditions inadmissibles. Exposés au froid, ils n’avaient pas de matelas, pas de draps ni couvertures, pas d’eau et de récipients pour se laver. Ils ont passé des nuits à même le sol, hommes comme femmes. Les besoins spécifiques des femmes et des enfants n’ont pas été pris en compte.

Véritable épreuve de calvaire, se laver, manger et boire ont été un vrai casse-tête, il a fallu de temps à autre l’intervention de l’OCDH en ce qui concerne le mangé. Le repas était médiocre (riz blanc accompagné d’un petit morceau de cuisse de poulet) et servi une fois par jour et à des heures tardives. Aucun autochtone n’a reçu un per diem (frais de subsistance) pendant les 4 jours qu’ils ont passés à Ouesso, loin de leurs lieux de résidence. Ils ont été privés de toute distraction saine en raison d’une situation inconfortable. Ceci pour dire que les autochtones n’avaient pas droit à un hébergement décent et à un traitement adéquat. Sans interlocuteur direct, il leur a été difficile de pouvoir revendiquer quoi que ce soit. Ce traitement réservé aux autochtones témoigne non seulement le sentiment de mépris, mais aussi de la discrimination dont ils font l’objet en République du Congo. Au-delà des discours, la question de la considération des autochtones reste entière. Le Ministre de la justice et des droits humains doit interpeller le directeur général des droits humains afin qu’il s’explique. Le refus sera considéré comme une caution morale sur tous les flottements et traitement inhumain réservé aux autochtones pendant leur séjour dans la ville de Ouesso.

Aussi, nos deux organisations dénoncent l’attitude partisane et contre productive des médias nationaux qui ont procédé aux morceaux-choisis des séquences qui arrangent le politique lors de cet évènement.

b) Absence du CLIP dans les préparatifs de cette activité

Nos deux organisations notent que les préparatifs de cette activité ont été un échec sur tous les plans, notamment, dans l’organisation, le protocole et même dans le contenu donné à cet évènement. Ce constat négatif a toujours été décrié. Les principaux concernés, les autochtones eux-mêmes sont exclus de l’organisation de cette activité. La Direction générale des droits humains qui a le lead pour la JIPA est toujours incapable de travailler de concert avec les organisations qui militent sur les questions autochtones et préfère jouer à l’improvisation. Pour s’en convaincre, l’agenda de cette activité n’était pas disponible.

Au mépris de l’exigence légale du consentement libre, informé et préalable (CLIP), la direction générale des droits humains de son propre chef a inscrit deux activités lors de cet évènement : le jeu de ndzango pour les femmes et un tournoi de football pour les hommes. Seul le jeu de ndzango a été réalisé. Le tournoi de football n’a plus eu lieu à cause de l’arrivée tardive des kits sportifs selon les informations recueillies sur place. Le directeur général des droits humains pour illustrer son manque d’intérêt à cet évènement est arrivé dans la ville de Ouesso le même dimanche 9 août aux environs de 14 heures. Ce qui n’a pas permit la célébration de cette journée le 9 août comme prévu.

Le respect du CLIP par les autorités congolaises rencontre encore des résistances solides. Elles continuent à exclure les autochtones dans le processus décisionnel dans les matières qui les concernent, c’est la tendance générale soit ils sont mal consultés.

c) Mauvaise gestion et détournement des ressources

L’OCDH et l’ADPPA ont noté un aspect positif, celui de la distribution d’un certains nombre de kits aux familles autochtones. Là aussi, nous avons noté la mauvaise gestion et détournement de plusieurs objets, notamment, les brouettes (10), les sacs de riz (20), sacs de sel (16), cartons de savon (7), paquets de limes (2), les houes (8), les haches (10), les pioches (3), ballots de friperies (4), bidons d’huile (7). Ces articles détournés ont pris des destinations inconnues.

d) Autres faits

Nous avons par ailleurs pu constater une fausse note entre le Directeur général des droits humains et les représentants de l’UNICEF. Arrivés à l’heure prévue pour la cérémonie officielle, les représentants de cette agence onusienne ont été notifiés du report de cette activité que plus tard. En réaction à leur mécontentement, le Directeur général des droits humains a réagi en ces termes : « si les nations unies ne sont pas d’accord avec la façon de faire de l’Etat pour cette journée, ils n’ont qu’a adressé un courrier officiel à l’Etat ».

3. Les textes d’application de la loi n°5-2011 : une nébuleuse

Nous trouvons ici l’occasion d’exprimer notre consternation au regard du blocus constaté dans le processus d’élaboration des textes d’application de la loi n°5-2011 du 25 février 2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones. Quatre (4) ans après sa promulgation, cette loi souffre du manque de textes d’application, ce qui freine en partie son effectivité.

Pour rappel, en juillet 2012 un comité de lecture des drafts des textes d’application de ladite loi avait déjà commencé à réaliser le travail avant que tout s’arrête. Depuis, les organisations de la société civile et les leaders autochtones n’ont reçu que des bribes d’information. Selon la direction générale des droits humains, la rédaction et la réécriture de ces textes d’application seraient avancées au sein des services en charge de cette question. Une approche qui inquiète les ONG et leaders autochtones qui travaillent sur cette question de grand intérêt, qui nécessite la participation et l’adhésion de toutes les parties prenantes pour s’assurer qu’on avance dans la bonne direction. Au regard de tous les péripéties constatées, un nouveau processus de validation de ces textes doit être enclenché.

4. Recommandations

Au regard de ce qui précède, l’OCDH et l’ADPPA formulent les recommandations suivantes :

Aux autorités congolaises de

– Mettre en place un comité circonstanciel à dominance autochtone chargé de préparer et de réaliser avec les autres parties prenantes toutes les activités en lien avec les autochtones à l’instar du Forum international pour les peuples autochtones de l’Afrique centrale (FIPAC), de la journée internationale des peuples autochtones (JIPA) et la journée parlementaire des populations autochtones ;

– Faire une évaluation de cette activité du 9 août 2015 et d’en tirer les conséquences nécessaires ;

– Faire de ces évènements politiques, une véritable occasion d’évaluer la politique du Gouvernement sur cette matière. Et, de procéder après chaque évènement à une évaluation des recommandations qui seront prises afin d’apporter les corrections nécessaires si nécessité il y a ;

– Mettre en place un nouveau processus de validation des textes d’application en réécriture ;

– le Directeur général des droits humains doit apporter des explications sur le traitement inhumain infligé aux autochtones conviés à cette activité d’une part et sur la gestion désastreuse de cet évènement d’autre part.

Aux partenaires techniques et financiers, en particulier ceux qui soutiennent le Gouvernement congolais dans l’organisation des activités en lien avec les autochtones de :

– Poser des conditionnalités claires concernant leur appui dans toute activité en lien avec les populations autochtones et tout en leur invitant à prendre des mesures correctives sur le non respect de la dignité des autochtones en tant que personne humaine.

Pour tout contact :

OCDH : ocdh.bazza@gmail.com (+242) 05 768 10 99/ 05 533 07 63

ADPPA : adppacongo@gmail.com (+242) 05 765 74 41