Résumé
Les Accords de partenariat volontaire (APV) sont un pilier central du plan d’action sur la gouvernance, le commerce, les réglementations forestières de l’Union européenne (UE) ; ce sont des accords commerciaux que l’UE conclut avec des pays qui exportent du bois et des produits dérivés vers l’UE. Un pays qui a un APV et dispose d’un système d’autorisation opérationnel peut délivrer des autorisations FLEGT pour le bois et les produits dérivés produits légalement. Les APV supposent à juste titre que la lutte contre l’exploitation forestière illégale nécessite d’importantes réformes de gouvernance dans les pays producteurs de bois, sans lesquelles les réglementations ne seront pas efficaces.
A travers les APV, l’UE a adopté une nouvelle approche, dont l’objectif est de provoquer un véritable changement dans la manière dont sont gérées les forêts. Les diverses parties prenantes envisagent les APV sous des angles différents : si c’est la promesse d’échanges commerciaux avec l’UE qui a convaincu les gouvernements et les entreprises forestières de souscrire à l’APV, la société civile a quant à elle décidé de participer au processus suite à l’engagement pris en faveur d’une meilleure gouvernance
forestière et d’une législation forestière plus juste, y compris la reconnaissance des droits des communautés forestières.
La République du Congo a signé un APV avec l’UE en 2010, qui est entré en vigueur en 2013. En signant l’accord, le gouvernement congolais s’est engagé à garantir que l’ensemble de son industrie du bois réponde aux exigences de légalité et de traçabilité du système de vérification de la légalité (SVL).
Le présent rapport propose une évaluation, dix ans après la signature de l’APV, de l’amélioration réelle de la gouvernance des forêts en République du Congo, du point de vue de la société civile. Il vise en outre à dégager les priorités de la société civile congolaise dans les années à venir ainsi que les appuis souhaités de la part des organisations non gouvernementales (ONG) telles que Fern.
La présente évaluation confirme que la gouvernance forestière s’est bel et bien améliorée progressivement au Congo. Les résultats obtenus jusqu’à présent montrent que des changements potentiellement durables se mettent en place. L’APV est un modèle pour la gouvernance participative multipartite, dans le cadre duquel la société civile est pour la première fois reconnue comme un partenaire crédible jouant un rôle clair dans la mise en oeuvre, avec la possibilité d’influencer le processus. La société civile a insisté pour que le pays lance une réforme inclusive de son code forestier, ce qui a permis l’intégration de priorités sociales et liées à la gouvernance dans la version finale du texte, une avancée majeure. Des progrès considérables ont également été réalisés en faveur d’une plus grande transparence dans le secteur forestier, grâce à la mise en oeuvre de l’annexe de l’APV sur la transparence, aux efforts entrepris dans le cadre de douze années d’observation indépendante des
forêts et à la disponibilité d’outils innovants sur la transparence. L’inclusion du secteur forestier dans le cadre de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) a également renforcé la transparence. Grâce au processus APV, les organisations de la société civile ont consolidé leur capacité à influencer et surveiller la mise en oeuvre d’un éventail plus large de politiques et de textes de loi, ce qui a fait de ces organisations des acteurs plus efficaces du changement. L’APV a également mis en lumière les avantages que présentent les systèmes de partage des bénéfices dans le secteur forestier et il a introduit le concept nouveau de foresterie communautaire dans la législation nationale.
Cependant, le processus APV fait face à des défis : des problèmes de gouvernance fondamentaux subsistent et ralentissent les progrès. La corruption est profondément enracinée dans le pays, ce qui entrave les progrès en faveur de davantage de redevabilité. En outre, l’essor des secteurs minier, pétrolier et agro-industriel a un impact important sur les forêts. La coordination est limitée entre les ministères, avec pour conséquences le déboisement illégal, le chevauchement des types de permis
d’exploitation des ressources naturelles et des effets encore plus négatifs sur les communautés locales, ce qui met à mal l’APV. Pour pouvoir tirer parti des progrès réalisés dans le cadre de l’APV et continuer de prendre des mesures durables dans la bonne direction, la société civile doit se montrer plus efficace et renforcer son engagement. Elle doit dépasser ses différends internes et agir de manière plus stratégique. Elle doit en outre demander une application systématique des lois tout en élargissant
son rôle de veille au moyen d’observations indépendantes normalisées, plaider pour la décentralisation du processus APV afin de s’assurer que les populations locales soient véritablement représentées, informées et impliquées, et militer en faveur de la redistribution d’une partie des bénéfices aux communautés à travers une meilleure gestion du fonds de développement local (FDL) et des obligations sociales ainsi que la création de forêts communautaires pilotes.
De nombreux informateurs estiment que la valeur ajoutée de Fern est qu’elle renforce et soutient des dynamiques de travail au sein de la plateforme de la société civile et qu’elle accompagne les organisations de la société civile (OSC) dans l’élaboration de leur stratégie de plaidoyer, tout en continuant à renforcer leurs capacités de sorte que leurs actions, leurs rapports et leurs interventions aient un impact. En tant qu’organisation menant des campagnes influentes active au niveau de l’UE et à l’échelle mondiale, Fern est en outre idéalement placée pour, d’une part, dégager des leviers supplémentaires que les OSC congolaises pourraient utiliser dans leur plaidoyer en faveur d’une meilleure gouvernance dans les différents processus en cours dans le domaine du climat et de la politique foncière, et, d’autre part, pour faire entendre la voix de ses partenaires auprès des décideurs.
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